Jean-Claude Corbeil et Québec Amérique : une longue amitié

Le récit de la collaboration exceptionnelle entre le linguiste Jean-Claude Corbeil et les éditions Québec Amérique débute en 1982, à Paris. Au terme d'une rencontre heureuse, Jean-Claude Corbeil et l'éditeur Jacques Fortin prévoient l'élaboration d'un dictionnaire thématique visuel, dont l'objectif sera de rendre accessible le savoir scientifique et technique courant au moyen d'illustrations éclairantes.

Aux côtés de la linguiste Ariane Archambault, Jean-Claude Corbeil rédige et conçoit la première édition du Dictionnaire thématique visuel (1986), qui deviendra plus tard le Visuel. Le projet est porté par une vaste équipe de terminologues, de chercheurs et d'illustrateurs pendant trois ans.

Diffusé dans plus de 100 pays et traduit dans plus de 35 langues, le Visuel est considéré comme l'un des plus importants succès commerciaux de l'édition québécoise. Depuis 35 ans, le Visuel n'a cessé d'évoluer pour refléter les avancées de la société, autant sur le plan de la forme que du contenu. Il est décliné en plusieurs ouvrages utiles, bilingues, multilingues ou augmentés de définitions précises, pour répondre aux besoins spécifiques des usagers. Le Visuel en est à sa quatrième édition (2011), sous la direction de Jean-Claude Corbeil.

En 1989, Jean-Claude Corbeil dirige la première édition du Dictionnaire des difficultés de la langue française de Marie-Éva de Villers, qui deviendra le Multidictionnaire de la langue française, dont l'édition la plus récente a été publiée en 2021, toujours aux Éditions Québec Amérique.

En 1997, Jean-Claude Corbeil et Ariane Archambault s'intéressent à la terminologie gourmande dans La Cuisine du fil des mots - Dictionnaire des termes de cuisine.

En 2007, Jean-Claude Corbeil consacre un essai à la riche question de l'aménagement linguistique au Québec, dans L’Embarras des langues : Origine, conception et évolution de la politique linguistique québécoise. En effet, s'il a marqué l'histoire de Québec Amérique, Jean-Claude Corbeil aura également joué un rôle majeur dans la mise en place de la politique linguistique du Québec. Alors directeur linguistique à l'Office de la langue française (1971-1977), il participe à l'élaboration de la Loi sur la langue officielle du Québec (1974), puis à la rédaction de la Charte de la langue française (1977). En 1996, il devient sous-ministre responsable de la politique linguistique du Québec, aux côtés de la ministre Louise Beaudoin. Son savoir a rayonné au Québec comme à l'étranger, et ses contributions à la science sont nombreuses, notamment en sociolinguistique et en terminologie.

Québec Amérique tient à souligner l'apport inestimable de ce grand linguiste à son offre d'ouvrages terminologiques et linguistiques, au fil de quarante années de collaboration inspirée.

  • Entrevue donnée par Jean-Claude Corbeil en 2011
  • Dans une discussion dirigée par la linguiste et professeure Hélène Cajolet-Laganière, Jean-Claude Corbeil raconte sa riche carrière et son expérience en aménagement linguistique.
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Témoignages

« Jean-Claude Corbeil a, sans doute, été la personnalité la plus marquante du milieu de la linguistique québécoise par ses actions et sa notoriété. Son parcours, couronné par de nombreuses distinctions, témoigne de son importance. Il a été pour moi un ami, un collaborateur et un auteur qui a permis à QA de connaître un succès international avec Le Visuel. Le Québec perd son plus éminent linguiste de la langue française. »
Jacques FortinFondateur des Éditions Québec Amérique
Hommage à Jean-Claude Corbeil, mon très cher ami
« Sous la direction éclairée de Jean-Claude Corbeil et avec tous les collègues, j’ai eu le privilège de participer à l’emballant chantier linguistique du Québec. En raison de sa contribution, la Charte de la langue française repose sur de solides bases scientifiques et c’est tout le Québec qui en bénéficie. C’est encore grâce à lui que le Multidictionnaire est publié aux Éditions Québec Amérique. Pour tout cela et surtout pour sa longue et profonde amitié d’un demi-siècle qui a enchanté ma vie, je lui serai éternellement reconnaissante. »
Marie-Éva de VillersTerminologue à l’Office de la langue française (1970-1980) et auteure du Multidictionnaire de la langue française
À Jean-Claude Corbeil, mon mentor et ami
« Jean-Claude a été pour moi un directeur exceptionnel, un mentor amoureux de notre belle langue française. Nous avons livré le même combat et grâce à lui, j’ai connu la plus belle carrière, plus belle que celle dont j’avais rêvé. Il emportera avec lui mon éternelle amitié, mon indéfectible admiration pour le très grand linguiste de réputation internationale. Mais il me laissera de riches et émouvants souvenirs. Pars en paix mon cher Jean-Claude; nous nous retrouverons un jour. Je t’aime. »
Monique HérouxTerminologue à l’Office de la langue française, 1970-1996
« Le Québec perd le grand linguiste qui a marqué en profondeur sa langue, particulièrement sa politique et sa législation linguistiques. Plusieurs d'entre nous saluent aussi l'ami, le collègue et le mentor qui habitera longtemps nos meilleurs souvenirs. Adieu Jean-Claude! »
Pierre AugerLinguiste, professeur associé, Université Laval
« Penser à Jean-Claude Corbeil, c’est voir défiler devant moi l’histoire de l’évolution de la langue et de son statut au Québec au cours des quatre dernières décennies. C’est revisiter les débuts de l’OQLF alors qu’il était directeur linguistique et qu'il animait une équipe de jeunes terminologues passionnés, dont je faisais partie. C’est me remémorer son travail acharné comme l’un des principaux artisans des législations linguistiques au Québec. C’est prendre connaissance, au fil des années, de ses textes réfléchis et novateurs devant mener à l’aménagement du français au Québec. C’est partager ses idées à travers ses dictionnaires et ouvrages fondamentaux. J’ai eu l’honneur et l’immense plaisir de le côtoyer pendant de nombreuses années, comme mentor, puis collègue, puis ami proche, et de préparer, avec sa collaboration, un site Web en hommage à ce grand linguiste. Je vous invite à lire ou à relire ses textes phares et ses manuels pour y apprécier son pragmatisme, la profondeur de sa pensée et son grand talent de vulgarisateur. Vous pourrez également l’entendre vous présenter lui-même le cheminement de sa carrière. Jean-Claude, tu as enrichi ma vie professionnelle pendant des décennies et tu as été l’une de mes principales inspirations. Je t'en remercie très sincèrement. Heureusement, ce que tu nous laisses te gardera toujours vivant.  »
Hélène Cajolet-LaganièreProfesseure associée, Faculté des lettres et sciences humaines et membre du CRIFUQ, Université de Sherbrooke, coauteure du dictionnaire Usito
Jean-Claude Corbeil, cheville ouvrière de la francisation des milieux de travail
« ‘‘ Comment voulez-vous franciser les milieux de travail sans donner aux travailleurs les noms français des outils qu’ils manipulent ? " m’avait dit, un jour, Jean-Claude Corbeil. Ayant travaillé pendant vingt ans à l’Office de la langue française (aujourd’hui devenu l’OQLF), j’ai gardé en mémoire ce bon conseil. En mettant sur pied huit des dix bureaux régionaux de l’Office, dans les années 1979-1983, j’ai exigé que ces bureaux comprennent une conseillère ou un conseiller en francisation et une ou un linguiste. C’est ainsi que le vocabulaire de la langue de travail a pénétré dans les usines, les manufactures, les garages, etc. L’arrivée sur le marché, en 1986, du dictionnaire Le Visuel de Jean-Claude Corbeil a été un cadeau inestimable pour la francisation des milieux de travail. Puis, en 1988, Marie-Éva de Villers, sous l’influence de Corbeil, publiait le Multidictionnaire de la langue française, qui devenait le livre de chevet de tout le personnel administratif de ces entreprises. Merci à vous deux d’avoir fourni à des milliers de Québécoises et de Québécois les outils nécessaires pour vivre en français dans leur milieu de travail. »
Solange ChalvinEx-directrice de la francisation des entreprises, Office québécois de la langue française
La Catalogne doit beaucoup à Jean-Claude Corbeil.
« Jean-Claude Corbeil est venu plusieurs fois à titre d’invité du gouvernement catalan pour le conseiller relativement à l’aménagement linguistique de la Catalogne. Il a aussi participé à notre École d’été en terminologie de l’Université Pompeu Fabra, où il a prononcé une conférence remarquable sur la politique linguistique du Québec. Nous nous sommes largement inspirés de ses idées pour concevoir la politique linguistique catalane. Je lui suis et lui serai éternellement reconnaissante car il a été la personne qui, lors de la création de TERMCAT m’a accueillie à Montréal avec une immense cordialité et a contribué à me faire connaître la politique linguistique ainsi que l’organisation des services linguistiques des organismes et entreprises du Québec. Il m’a également présenté à plusieurs linguistes et terminologues, dont Pierre Auger, Monique Cormier, Pierre Martel et Marie-Éva de Villers. J’en garderai toujours un souvenir attachant dans mon cœur. »
Teresa CabreProfesseure émérite de l’Université Pompeu Fabra, Ancienne directrice de Termcat (Centre de Terminologie Catalane), Présidente de l’Académie de la langue catalane (Institut d’Estudis Catalans)
« Autrefois, on arrêtait nos activités au passage d’un convoi funèbre, faisant silence devant la mort qui traverse nos vies. Recueillement. C’est maintenant le décès de Jean-Claude Corbeil qui nous arrête. Tristesse. Les hommages qu’on lui fait rappellent l’ampleur de sa contribution, la constance de son engagement pour redonner au Québec la fierté de l’usage d’un français du travail, de l’étude, de la création, du loisir, de la vie : accessible, moderne, pertinent. Une langue inscrite dans la francophonie qui contribue à son rayonnement. Respect pour l’œuvre d'un homme de grande valeur. Des souvenirs personnels surgissent de ce moment charnière entre études théoriques et pratique linguistique sur le terrain, le Québec moderne. Jean-Claude Corbeil a su donner un élan généreux et confiant à notre génération. Reconnaissance à un dirigeant inspirant et rassembleur. Au fil du temps plus récent, j’ai pu le retrouver avec plaisir dans des moments de complicité entre retraités ou presque (l’a-t-il jamais été?). Parce qu’il y avait aussi la vie au-delà des tâches si bien accomplies, cher Jean-Claude. J'offre mes sincères condoléances à toutes celles et ceux qu’il a su inspirer. Cher Jean-Claude, merci beaucoup. »
Suzanne LabergeRetraitée de Radio-Canada
« Un autre grand bâtisseur du Québec vient de nous quitter. Son départ nous rappelle le riche héritage que nous ont légué de grands intellectuels, scientifiques et mandarins de l’État. Bien sûr, dans le cas de Jean-Claude, sa carrière est gigantesque et dépasse celle du service public. La folle et rigoureuse entreprise du Visuel, en compagnie d’Ariane Archambault, en témoigne par son succès à travers le monde. J’ai eu le privilège de collaborer avec lui et une formidable équipe, dans le cadre des États généraux sur la situation et l’avenir de la langue française au Québec. J’y participais à titre de commissaire. Jean-Claude s’est avéré notre boussole et notre référence en matière d’histoire de l’évolution du français à travers les lois et les contextes politiques qui ont campé le paysage linguistique du Québec. Comme je l’ai vécu avec Paul Gérin-Lajoie, nos conversations m’ont projetée dans une plus intime connaissance de la naissance du Québec moderne et de l’affirmation de notre identité. Au-delà de cette carrière exceptionnelle, je veux absolument souligner l’humanité et l’humilité de l’homme puisqu’il est un véritable monument. Dans la foulée des États généraux, nous nous sommes liés d’amitié. À nouveau, cette année, nous avons échangé à l’approche des Fêtes. Il a terminé sa lettre en saluant ma fidélité. Je lui retourne la pareille en lui exprimant toute ma gratitude pour sa fidélité au Québec, à la francophonie et à la langue française. Merci, Jean-Claude, pour ton apport extraordinaire aux milieux de l’éducation et de la culture. »
Josée BouchardPrésidente du Conseil de l’Ordre de l’excellence en éducation du Québec, Ex-présidente de la Fėdération des commissions scolaires du Québec
« Avant d’être un bâtisseur de la politique linguistique québécoise et un brillant linguiste au rayonnement international, Jean-Claude Corbeil a été professeur de français. Bien qu’il ait quitté sa salle de classe, les élèves du Québec ne se sont jamais vraiment éloignés de ses pensées. Car parmi les causes qui lui tenaient à cœur, il y avait celle de l’enseignement du français, qu’il aurait tant voulu voir s’améliorer. Grâce à lui, un plus grand nombre de jeunes Québécois fréquentent l’école en français et ils disposent d’une variété de dictionnaires de qualité pour peaufiner la maitrise de leur langue. Sa passion pour les mots demeurera le plus bel enseignement qu’il pouvait nous donner. »
Pascale LefrançoisDoyenne, Faculté des sciences de l’éducation, Université de Montréal
« Jean-Claude Corbeil était, après tout, le plus grand linguiste, qui, sans relâche, dans toutes ses actions, ses fonctions et ses préoccupations, s’est penché tendrement et avec la plus grande sollicitude au chevet du drame linguistique de ses compatriotes québécois. Il avait cette connaissance intime, historique, lui, l’enfant de l’est de Montréal, du désœuvrement des Canadiens français, désœuvrement qui n’avait pas échappé à sa sensibilité d’observateur et de jeune homme n’ayant jamais intériorisé, pour l’accepter, l’infériorisation à laquelle on le destinait, lui comme ses contemporains. Ayant pris la mesure du naufrage annoncé, il s’est, avec d’autres géants de son époque, courageusement investi d’une mission collective qui semblait à l’époque déraisonnable, insensée. Ainsi il s’est mis à la tâche; si aujourd’hui nous pouvons depuis 50 ans travailler en français au Québec, c’est parce qu’il avait à l’époque conçu de grands chantiers terminologiques dans tous les secteurs d’activité en vue de garantir l’implantation du français alors superbement absent des usines, des manufactures et de tous les milieux de travail. Il a par la suite cristallisé ces efforts de reconquête dans la Charte de la langue française (1977), ou loi 101, dont il a été un des principaux artisans. À cet éminent bâtisseur, collègue et ami, qui m’avait formé jadis avec une inénarrable bienveillance, j’offre mon amitié éternelle. »
Serge D’AmicoAncien rédacteur en chef, Le Visuel, Lexicographe, dictionnaire Usito, Université de Sherbrooke
Le texte complet de ce témoignage peut être consulté sur le site web du Devoir.

En 2019, le Centre de recherche interuniversitaire sur le français en usage au Québec (CRIFUQ) de l'Université de Sherbrooke dédie un site Web à la vie et à l'œuvre de Jean-Claude Corbeil.

On peut y consulter en accès libre les versions électroniques d'un grand nombre d'écrits scientifiques rédigés par l'éminent linguiste.

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